V.4 Les créations contemporaines: héritages culturels et artistiques

© Gilles Elie-Dit-Cosaque Tous droits réservés

Emmanuelle Gall et sa généalogie: réparer la mémoire des ancêtres

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Portrait d'Emmanuelle Gall (c) Xavier Degremont

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L'installation sur la généalogie d'Emmanuelle Gall au Musée de la Corderie Vallois mai 2023 (c) RMM

Autrice et plasticienne, Emmanuelle Gall inscrit sa démarche artistique dans les traces d’une histoire familiale qui traverse Rouen et les Antilles, donnant forme à une mémoire à la fois intime et collective, enracinée dans le drame de l’esclavage et les silences qui l’ont recouvert.
Emmanuelle Gall est l’arrière-petite-nièce de Suzanne Lacascade, elle même autrice en 1924 d’un roman précurseur, né à l’aube de l’effervescence littéraire et artistique de la négritude: “Elle n’a laissé d’autre héritage que son roman et une poupée antillaise : une popote de cuir fabriquée sous le Second Empire que ma grand-mère m’a transmise de sa part [...]. J’étais loin d’imaginer, à l’époque, que je découvrirais Claire-Solange, âme africaine, une douzaine d’années plus tard à la Sorbonne, lors d’un cours de Régis Antoine consacré aux premiers textes de la littérature antillaise.” Depuis, elle n’a jamais renoncé à sa quête créative, levant les voiles de l’oubli jusqu’à sa mystérieuse ancêtre Eulalie, arrière-grand-mère de Suzanne, mise en esclavage et affranchie en 1835. Emmanuelle Gall explore ici une généalogie tissée d’histoires et d’imaginaires féminins puissants qui transcendent les générations. Elle invoque le droit à la mémoire et convoque ses ancêtres sous la forme d’une installation-enquête, faite d’images et de récits tressant la petite et la grande histoire.

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“J’ai huit ou neuf ans. Peut-être dix. Ma grand-mère me tend une boîte de carton bouilli. A l’intérieur, enveloppée dans du papier de soie, gît une poupée de cuir brun. - C’est un cadeau de la part des vieilles tantes. Attention, elle est très fragile, pas question de jouer avec ! Un jour, tu la donneras à un musée ! Je suis devenue gardienne de la poupée. Et je crois que l’inverse est aussi vrai.”

Poupée antillaise ou popote,
La Martinique,
2ème moitié du 19ème siècle,
coll. Suzanne Lacascade puis Emmanuelle Gall
© Réunion des Musées Métropolitains, Rouen Normandie.
Cliché Y. DESLANDES

La scène contemporaine, expression des mémoires vives de l'esclavage

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Que prenait-on au petit déjeuner en France en 1777 ? Depuis quand cuisinons nous des tomates ? D’où viennent les bananes, le riz, le cacao, les pommes de terre ? Tous ces aliments qui constituent notre quotidien sont les fruits d’un long voyage qui commence avec Christophe Colomb et continue aujourd’hui jusqu’en Chine dans les champs de tomates appartenant à la China National Cereals, Oils and Foodstuff Corporation. Avec son spectacle Autophagies, prévu pour être présenté dans tous types d’espaces pourvu qu’on puisse y cuisiner, Eva Doumbia et une équipe pluridisciplinaire invitent le public pour une eucharistie documentaire. Tandis que sont cuisinés arachides, huiles, banane, chocolat, tomates et autres légumes, les interprètes, artistes et chercheurs racontent des anecdotes intimes et banales, le tout en musique, poésie, danse et vidéo.

Autophagies
Créé le 14 juillet 2021 au Festival d'Avignon
Produit par La Part du Pauvre/ Nana Triban
Mis en scène par Eva Doumbia
(c) Cie La Part du Pauvre

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« Il paraît que tout a commencé car les Africain.e.s n'ont pas d'âme. Qu'est-ce qu'une âme ? Moi, Congolais, je suis parti à la recherche de cette histoire. J'ai arpenté les routes de Loango, foulé le sol d'Aimé Césaire, échangé avec les Nèg Marrons. Et aujourd'hui je prends la route pour vous transmettre. »
Le dramaturge et co-fondateur de la Youle Compagnie Ulrich N'toyo s'engage activement dans la création de spectacles vivants. Depuis quatre ans, Ulrich N'toyo travaille sur le sujet, il s'est déplacé à plusieurs reprises dans les Antilles mais aussi au Congo-Brazzaville pour recueillir les mémoires des afro-descendants et les traduire en texte, mettant en lumière une question essentielle: quel héritage laisse-t-on aux jeunes pour comprendre cette histoire ? Le spectacle Le Bourdon découle de cette réflexion et de ces rencontres, permettant d'ouvrir la discussion à ce sujet et de laisser au monde le choix de s'en saisir.

Ulrich N'toyo lors de son spectacle Les dires de la route - récits de collectage
Accompagné par Madou Konaté
Musée de la Corderie Vallois
Réunion des Musées Métropolitains
(c) RMM

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Au départ, DonKaDi était une rencontre autour des danses et musique du Mali. Aujourd'hui, c'est le partage de la culture africaine pour des moments de joie. Cette compagnie est produite par l'Association Testa Duende, une association créée en 1999 dans le but de promouvoir le spectacle vivant et les échanges interculturels grâce à la création. DonKaDi propose ainsi plusieurs spectacles dont un bal participatif, Un Soir au maquis. En Afrique de l’Ouest, le maquis est un endroit où l’on sort la nuit, pour boire un verre, faire des rencontres, écouter de la bonne musique et danser.

Soir au maquis
Produit par Testa Duende, Cie DonKaDi
Mis en scène par Hannah Woods
Créé en 2013
Avec Hannah Wood, Julien Barré, Max Couty, Nicolas Jozef Fabre, Bagaoussou Koné, Tom Saint Martin, Estelle AffagardEmilie Barteau, Séné Coulibaly, Mouna Coulibaly, Karine Hellot, Lucie Lepicard, Delphine Martial, Zoé Morainville, Anne-Laure Renais, Caro Renel, Amélie Touzé

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Philippe Gouyer-Montout, (dit Philo) est originaire de la Martinique et c’est au contact de ses grands-cousins et des anciens du village parmi lesquels son grand-père Jovany Plumber et son oncle, qu’il s’initie pour la première fois aux pratiques du tambour : bèlè, danmié, chouval bwa et gwoka guadeloupéen ne le quitteront désormais plus durant toute son enfance. Philo autoproduit en 2002 et 2005 deux EP intitulés Philo et Les Voix du Tambour Vol. 1 et 2 qui font partie d’un projet récompensé en 2004 et 2005 par la Région Normandie. Sa collaboration avec l’artiste guadeloupéen Frantz Féréol permettra aux deux artistes de transmettre à travers leurs créations l’essence même de leurs traditions et réinventer ces rythmes façonnés par des déportés durant la traite transatlantique.

(c) Julien Rémy

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« Je suis un Normand mais pas seulement. Je suis né dans l’océan Indien et, tous les ans, j’essaie d’aller dans un pays différent pour découvrir les musiques ».
Sébastien Lejeune, qui a pour nom d’artiste Loya, est un multi-instrumentiste réunionnais qui explore avec ses machines électroniques les musiques traditionnelles de l’Océan indien de façon à faire connaître leurs richesses en Normandie.Passé par le jazz et les musiques africaines, Loya explore ses racines réunionnaises et les mélange à la musique synthétique pour former un maloya électronique surprenant et détonnant, mêlant ainsi les codes d’une musiques traditionnelles ancestrales (et classée au patrimoine immatériel de l’UNESCO depuis 2009) à ceux beaucoup plus récents de la musique électronique

(c) Jacob Khrist

Le Havre sous un oeil contemporain

<p><em> Lambeaux #S-A , </em>Gilles Elie-Dit-Cosaque<br>©Gilles Elie Dit Cosaque</p>

Lambeaux #S-A , Gilles Elie-Dit-Cosaque
©Gilles Elie Dit Cosaque

Lambeaux et Xslave sont deux contributions contemporaines de Gilles-Elie-Dit-Cosaque, réalisateur, graphiste, photographe et artiste plasticien.
"C'est un travail, une réflexion sur la mémoire, comment est-elle formée, déformée. Qu'en reste-t-il et comment celle-ci nous forme, nous déforme ? En quoi des pans de mémoire y compris dans ses aspects tragiques, douloureux et sombres font une communauté ? C'est une manière d'interroger l'ici et le maintenant et de confronter les iconographies à l'Histoire, en suggérant des histoires intimes"

Notice (c) Musée d'Art et d'Histoire du Havre

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Elisa Moris Vai, Ruddy au studio 2020, Tirage jet d’encre sur Hahnemühle Photo Rag, contrecollé dibond, 20,8 x 25,7 cm © Elisa Moris Vai

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Elisa Moris Vai Ruddy 2020, still, vidéo, 1min13. Lieu : Ministère des Outre-mer, Paris © Elisa Moris Vai

Œuvre composée de portraits photographiques d'hommes et de femmes se reconnaissant descendants d'esclaves, posant à la manière des peintures du XVIIe siècle. Un portrait filmé accompagne chaque photographie. Le travail d'Elisa Moris Vai évoque l'héritage de l'esclavage dans la société française. La mise en question des représentations collectives est au coeur de sa démarche.

Notice (c) Musée d'Art et d'Histoire Le Havre

Honfleur sous un regard contemporain

<p>Pascale Monnin, <em>Homo numericus oppressé, la dette de l'indépendance</em> <br>© Pascale Monnin</p>

Pascale Monnin, Homo numericus oppressé, la dette de l'indépendance
© Pascale Monnin

La Lieutenance, centre d’interprétation de l’Architecture et du Patrimoine, organisera tout au long de l’exposition des visites guidées pour « faire parler les murs » de la ville en questionnant les traces de la traite atlantique dans l’espace urbain contemporain. Pendant l'exposition, les Greniers à sel exposaient les oeuvres de la plasticienne Pascale Monnin. Son oeuvre est intimement liée à l’histoire de la république noire libre d’Haïti. Son travail fait l’éloge du rêve, du nomadisme et de la liberté et participe de la remise en cause inévitable de nos sociétés impactées par la mondialisation galopante.

Notice (c) Musée de Honfleur