IV.1 Idéaux des Lumières et idées abolitionnistes

Bordeaux, musée d’Aquitaine, legs Chatillon, inv. 2003.4.319

Les deux facettes de ce jouet pour adultes présentent deux visions diamétralement opposées d’une société alors esclavagiste : sur l’avers, la « traite des nègres » s’inspire du tableau de l’Anglais George Morland (1763-1804), Exécrable trafic humain (1788). L’artiste y montre et dénonce les violences liées à la déportation d’Africains aux Antilles, tandis que sur le revers du jouet, une « fête villageoise » illustre la prospérité et les plaisirs simples d’une population européenne insouciante.

“Emigrette” abolitionniste
France, fin 18ème siècle, Bois d’ébène
Musée Le Secq des Tournelles - RMM. Inv. LS.2001.1.27

Image

Ajouter votre legende “Emigrette” abolitionniste France, Musée Le Secq des Tournelles - RMM Ajouter votre legende

Image

Ajouter votre legende “Emigrette” abolitionniste France, Musée Le Secq des Tournelles - RMM Ajouter votre legende

{image_legende}

Cette eau-forte fait partie d’une série réalisée un an après la première abolition de l’esclavage, le 16 Plûviose An II (4 Février 1794). Elle visait à sensibiliser l’opinion publique sur l’horreur de la traite et de l’esclavage. Les Africains attendent paisiblement les Européens qui arrivent en grand nombre sur une barque chargée de ballotins de pacotille et de barils d’alcool.

Nicolas Colibert (1750-1806), d'après Louis Barthélémy Fréret (1754-1831)
Arrivée des Européens en Afrique
1795
Eau-forte, 41x57 cm
Bordeaux, musée d'Aquitaine, legs Chatillon, inv. 2003.4.298

{image_legende}

Cette gravure abolitionniste subjugue par la portée universelle et contemporaine de son message : les plaisirs d’un petit nombre reposent sur les souffrances de beaucoup. Famille déchirée, femme enchaînée, homme supplicié et vieillard isolé apparaissent derrière un sac de café représenté au premier plan.

François Denis Née (1732-1817), d’après Moreau Le Jeune (1741-1814)
Ce qui sert à vos plaisirs est mouillé de nos larmes
1773
Gravure extraite du Voyage à l’Isle de France…, de Bernardin de Saint-Pierre,
Merlin, 1773, p. 199. 19,8x13,2 cm
Bordeaux, musée d’Aquitaine, legs Chatillon, inv. 2003.4.319

{image_legende}

En 1773, Bernardin publie son Voyage à l’Isle de France (actuelle île Maurice) après un séjour de deux ans dans la colonie française. Il se fait un devoir de témoigner de la réalité de l’esclavage, insistant sur la nécessité de son abolition, du fait de la tyrannie des maîtres. Il met en évidence l’écart entre la législation et la réalité de terrain, et argumente l’intérêt économique selon lequel la main-d’œuvre servile serait plus coûteuse que l’emploi de salariés libres. De plus, l’auteur en appelle à la morale, voyant en la servitude un facteur de dégradation morale, aussi bien pour le maître se comportant en tortionnaire que pour l’esclave réduit au rang d’objet.

CARPENTIER Paul Claude Michel
Portrait de Bernardin de Saint-Pierre
France, 1847
Huile sur toile, 65 x 54 cm
Rouen, Musée des Beaux Arts, département des peintures, inv. 1851.2.5
© Réunion des Musées Métropolitains, Rouen Normandie

{image_legende}

Dans cette lithographie intitulée Boxeurs, Géricault illustre autant le contexte raciste de l’époque que ses idéaux politiques. Il y oppose les adversaires comme dans un miroir ; le noir et le blanc des corps et des vêtements se répondent de façon inversée. Cette opposition se retrouve aussi dans les visages : le profil oblique du boxeur afro-descendant contraste avec le profil « grec » – droit – de son adversaire caucasien. Cette réinterprétation morphologique accompagne et dénonce la vision raciste de l’époque. En effet, Géricault choisit de mettre les deux hommes en position d’égaux : il énonce ainsi un contrat social renouvelé d’une société égalitaire malgré les préjugés raciaux.

GÉRICAULT Théodore (1791-1824),
Les boxeurs
Paris, 1818,
Lithographie, 42 x 52 cm,
Rouen, Musée des Beaux-arts, département des arts graphiques, inv. AG.X.243
© Réunion des Musées Métropolitains, Rouen Normandie.
Cliché Y. DESLANDES

{image_legende}

L’invention et l’intégration tardive de trois personnages africains parmi les derniers survivants du Radeau procède d’une prise de conscience de Géricault sur les réalités du trafic négrier et de ses crimes. Le critique d’art Charles Blanc (1813-1882) proclame en 1842 dans un article de presse : « […] Mais quoi ! Ce nègre n’est plus à fond de cale, et c’est lui qui sauvera l’équipage ! N’admirez-vous pas comme ce grand malheur a rétabli l’égalité parmi les races ! […] Noble idée que d’avoir renversé les rôles ! » Géricault redonne ici sa dignité à la figure afro-descendante en lui conférant le rôle du héros, placé au sommet de la pyramide humaine.

Anonyme, d'après GÉRICAULT Théodore
Le Radeau de la Méduse
France, après 1819
Huile sur toile, 79 x 93 x 11,5 cm,
Rouen, Musée des Beaux-arts, département des peintures -RMM, inv. 1888.1
© Réunion des Musées Métropolitains, Rouen Normandie.
Cliché Y. DESLANDES

{image_legende}

LAFFITE, Louis,
L’enfance de Paul et Virginie [Marie et Domingue]
Paris,
1806
Gravure extraite de Bernardin de Saint Pierre, Paul et Virginie
Le Havre, Bib. mun. Le Havre, RM 935

{image_legende}

Issu d’une famille d’armateurs bordelais, André Daniel Laffon de Ladebat (1746-1829), est connu pour son engagement abolitionniste. Son discours sur la nécessité et les moyens de détruire l’esclavage dans les colonies est lu en 1788 à la séance publique de l’Académie de Bordeaux, puis à Paris à l’Assemblée législative dont il élu président le 22 juillet 1792. À l’inverse, son père a été anobli en 1764 pour son zèle négrier.


Suzanne Caron (c. 1734-c. 1777) (attribué à)
Portrait d’André-Daniel Laffon de Ladebat
Vers 1765
Pastel sur papier, 74 x 62 cm
Bordeaux, musée d’Aquitaine, inv. 2010.5.1

{image_legende}

Jacques Pierre Brissot (1754-1793), député du parti girondin à la Convention nationale, fonda la Société des Amis des Noirs. Si beaucoup saluent ses idées sur l’affranchissement des esclaves, tous le tiennent directement responsable des ravages causés par les débuts de la Révolution haïtienne décrits ici dans un cartouche où l’on voit l’incendie des habitations en 1791.


Portrait de Levacher, vignette de Duplessis-Bertaux
Brissot, député à la Convention nationale
An 9 de la République (1800-1801)
Gravure, 44x28 cm
Bordeaux, musée d’Aquitaine, inv. 2010.5.1

{image_legende}

« La Municipalité aux citoyens français de couleur, Frères et amis, vous êtes invités de vous rendre aujourd’huy à une heure après midi en la salle des séances du conseil général, place de la Fraternité, pour conférer avec les commissaires chargés de l’exécution de la fête qui aura lieu le décadi prochain. 9 ventôse, 2ème année Républicaine Publié ce jour »

Billet de la municipalité du Havre invitant les hommes de couleur à la fête de l’affranchissement,
20 ventôse an II,
Arch. mun. Le Havre

{image_legende}

La légende fait référence aux produits coloniaux. L’illustration reflète quant à elle fidèlement les sévices décrits par Bernardin de Saint-Pierre dans sa Lettre XII, « Des noirs » : elle représente une femme portant un collier de fer à trois crochets et deux enfants effrayés, un homme dévorant le cadavre d’un cheval, et enfin, à l’arrière-plan, un homme fouetté sur une échelle par un planteur.

MOREAU, Jean-Michel,
"Ce qui sert à vos plaisirs est mouillé de nos larmes",
gravure extraite du Voyage à l'Isle de France de Bernardin de Saint-Pierre, 1773,
Bib. mun. Le Havre, R 2570

{image_legende}

Le Voyage à Surinam est un ouvrage paradoxal. Il est l’œuvre de Jean Gabriel Stedman (1744-1797), lequel s’est engagé comme officier pour combattre les révoltes d’esclaves au Suriname, la Guyane hollandaise. Cependant, les gravures qui illustrent le Voyage, tirée de dessins de Stedman, témoignent sans complaisance des sévices infligés aux hommes et femmes mis en esclavage. Elles sont largement diffusées par les milieux abolitionnistes.

TARDIEU l'aîné,
Esclave Samboe, déchirée de coups de fouets, extrait du Voyage à Surinam et dans l'intérieur de la Guyane... par le capitaine J. G. Stedman,
Paris : F. Buisson, an VII,
Bib. un. Le Havre, 37.406

{image_legende}

Né au Havre en 1733, l’abbé Dicquemare est une figure importante de la vie intellectuelle normande au 18e siècle. Ses travaux sont encyclopédiques. Il s’intéresse aussi bien à l’astronomie, à la cartographie, à la navigation, à la physique qu’à l’histoire naturelle : son cabinet de curiosités est réputé.

NICOLET, Bernard Antoine,
J. F. Dicquemare : de diverses acad[émies] né au Havre le 7 mars 1733 mort le 29 mars 1789 âgé de 56 ans,
édité à Paris par B. A. Nicolet, ancien ami de M.r l'Abbé Dicquemare,
Bib. mun. Le Havre, EST 12

{image_legende}

Naturaliste havrais, l’abbé Dicquemare se distingue par ses positions anti-esclavagistes. Il dénonce « ces hommes sans principes, sans éducation, sans lumières, [...] poussés par leur seul désir de s’enrichir en passant dans nos colonies, cherchent à se persuader que les nègres ne sont pas des hommes comme eux…» (Portefeuille inédit de M. l’abbé Dicquemare).

Anonyme,
Buste de Jean-François Dicquemare, fin 18e siècle, terre cuite, 35 cm.
Le Havre, Musées d'art et d'histoire, inv. 2006.0.57

{image_legende}

Au nom des grands principes révolutionnaires, certains objets du quotidien deviennent des objets de diffusion de la cause abolitionniste. Cet éventail célèbre, sans doute dès sa publication, le décret de 1794. Les paroles de la chanson « La Liberté des Nègres » y sont inscrites. Ce chant fut rédigé par Antoine-Pierre-Augustin de Piis, un descendant de colon installé à Saint-Domingue dans les jours qui suivirent le décret. Ainsi on peut lire : « Le savez-vous, républicains / Quel sort était le sort du Nègre / Qu’à son rang parmi les humains / Un décret nouveau réintègre ! / Il était esclave en naissant / Puni de mort pour un seul geste / On vendait jusqu’à son enfant / Le sucre était teint de son sang / Ah ! Daignez m’épargner le reste. (Bis) »
Notice : © Château des ducs de Bretagne – Musée d’histoire de Nantes

Éventail
Après le 4 février 1794 (16 Pluviôse An 2) - Vers 1794
Bois, papier, gouache, 28 x 52.5 x 2 cm
Château des ducs de Bretagne – Musée d’histoire de Nantes, inv. 2018.11.2
Achat

Crédit photo : © François Lauginie / Chateau des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes