L’incendie du Cap-Français, chef-lieu de la colonie française de Saint-Domingue, débute le 21 juin 1793 et marque le début du soulèvement de l’île.
Jean-Baptiste Chapuy (176-18…), d’après Pierre Jean Boquet (1751-1817)
Vue de l’incendie de la ville du Cap Français
1794
Eau-forte, 52,2x73,6 cm
Bordeaux, musée d’Aquitaine, legs Chatillon, inv. 2003.4.98
Toussaint Louverture est né en 1743 à Saint-Domingue. Affranchi vers 1776, il participe à la révolte des esclaves en 1791. Il se rallie à la France après l’abolition de l’esclavage de 1794. A la tête de Saint-Domingue, il proclame son autonomie en 1801 et élabore une constitution par laquelle il tente de se faire reconnaître gouverneur à vie.
Denis Volozan (1765-1820)
Portrait équestre de Toussaint Louverture sur son cheval Bel-Argent
Vers 1800
Lavis, 47x37,7 cm
Bordeaux, musée d’Aquitaine, legs Chatillon, inv. 2003.4.188
En 1802, l’expédition Leclerc est montée, avec 25 000 hommes, pour rétablir l’ordre ancien. Toussaint Louverture est capturé le 7 juin 1802, puis déporté en France. Mis aux arrêts, il est emprisonné au Fort de Joux, dans le Doubs, où il meurt le 7 avril 1803. Son épouse Suzanne et ses deux fils, Isaac et Placide sont également déportés en France. Isaac trouvera asile à Bordeaux jusqu’à sa mort, en 1854.
Villain
Le général Toussaint Louverture supplié par sa femme et ses enfants d’abandonner la cause des Noirs
1822
Lithographie, 46x33,2 cm
Bordeaux, musée d’Aquitaine, legs Chatillon, inv. 2003.4.190
Pas moins de quatorze soulèvements et insurrections surviennent entre 1656 et 1848 à la Martinique et à la Guadeloupe. Les résistances collectives s'organisent autour des langues, chants, musiques et danses, qui unifient et prennent une valeur politique. Par ailleurs, dès le début du 17e siècle, s'édifient les premiers grands camps de nègres marrons à la Guadeloupe et à la Martinique. Cette puissance de rébellions éclate ouvertement avec le soulèvement des mis en esclavage à Saint-Domingue en 1791 et ne s'atténuera qu'avec l'abolition définitive de l'esclavage en 1848.
Les insurrections se multiplient à la Martinique où les planteurs normands sont nombreux. Dans la nuit du 12 au 13 octobre 1822, au Carbet, des mis en esclavage se révoltent contre leurs maîtres. Cette rébellion est fortement réprimée puisque parmi les 64 insurgés incarcérés et jugés, 28 sont condamnés à mort, 10 sont condamnés aux galères perpétuelles et marqués au fer rouge et 14 autres au fouet. En 1823, survient "l'affaire Bissette", du nom de l'auteur présumé d'un fascicule intitulé De la situation des gens de couleur libres aux Antilles françaises réclamant l'égalité des droits pour les libres confrontés au préjugé de couleur. L'administration coloniale y répond par une purge dans le milieu des libres de couleur de Saint-Pierre.
Enfin, la révolte des tambours de mai 1848 force les colons martiniquais à appliquer le décret de l'abolition de l'esclavage établie quelques semaines plus tôt. Après l'emprisonnement de Romain, un jeune mis en esclavage, pour avoir joué du tambour - acte interprété comme un signe d'appel à la rébellion -, un soulèvement général éclate contre les autorités françaises. La ville s'embrase, menant à des incendies et des violences face auxquelles la seule solution semble être la mise en application de la loi : l'affranchissement immédiat des mis en esclavage.
Cimaise abolitionnistes
Victimes de ce système, les personnes mises en esclavage ont toujours résisté dans les différentes sociétés esclavagistes. Cette cimaise tend à mettre en évidence ces différentes stratégies de résistances mais aussi de souligner le rôle actif et déterminant des personnes afro-descendantes dans les révoltes et les luttes jusqu'aux abolitions.
Cyrille Bissette (1795-1858)
Né à Fort-Royal (Fort-de-France), Cyrille Charles Auguste Bissette est le neveu non reconnu de Joséphine de Beauharnais – première épouse de Napoléon – de par sa mère, fille naturelle affranchie du père de Joséphine. Devenu négociant et soutien aux autorités françaises dans la répression de la révolte au Carbet, il est arrêté en 1823 pour avoir dénoncé les inégalités et injustices envers les libres de couleur. Banni dix ans des colonies françaises, Bissette radicalise sa position en faveur de l’abolition simple et immédiate, à laquelle même Schœlcher est opposé. Installé à Paris, Bissette crée une Société des hommes de couleur et une Revue des colonies. Après l’abolition, il devient député de la Martinique et prône l’oubli du passé et la réconciliation, ce qui lui vaudra de nombreux détracteurs.
Joseph Millet (1782-1832)
Né à Saint-Pierre, au Mouillage, il devient l’une des personnalités les plus fortunées de la ville parmi les hommes de couleur en étant maître-confiseur et négociant. Époux de Marie Suzanne Cithère, il est connu pour son soutien sans faille à l’abolitionniste Cyrille Bissette, ce qui lui vaudra d’être déporté à Brest puis au Havre avant de s’installer plus longtemps à Paris avec sa famille. Après s’être installé au 33 rue Étoupée à Rouen, il contribue à la sociabilité des métis de la ville de Rouen.
Louis Fabien (1794-1849)
Né à Fort-de-France et fils d’un libre de couleur, Louis Fabien est un marchand aisé jusqu’à son arrestation fin 1823 dans le cadre de l’« affaire Bissette ». Il est condamné au fer rouge et au bagne à perpétuité, puis libéré avec une peine de bannissement des colonies françaises. Il devient l’un des fondateurs à Paris de la Société des hommes de couleur en 1831 aux côtés de Mondésir Richard, Victor Mazuline et Alexandre Dumas.
Pierre-Marie Pory-Papy (1805-1874) fils
Figure du mouvement républicain à la Martinique, il naît à Saint-Pierre de parents affranchis. Il fréquente déjà très jeune les milieux abolitionnistes avec Bissette. À 27 ans, il s’installe en métropole pour ses études de droit. Il rentre à la Martinique diplômé et devient le premier avocat de couleur du territoire. Il est alors élu municipal pendant les évènements de la révolte du tambour en mai 1848 et fait libérer Romain contre l’avis du maire. Cette décision mènera à l’abolition de l’esclavage sur l’île. Il est élu maire de Saint-Pierre puis député aux côtés de Bissette et Schœlcher.
François-Auguste Perrinon (1812-1861)
Fils de Rose Piquion, ancienne esclave, et reconnu par Pierre Perrinon, commerçant mulâtre, il arrive à Rouen avec sa sœur Élisabeth et sa mère à Rouen grâce au legs de son père naturel. Il devient le premier métis à entrer à Polytechnique en 1832. Il choisit une carrière militaire pour devenir officier de la Légion d’honneur en 1847. Militant de la cause abolitionniste, il décide de démontrer les effets néfastes de l’esclavage sur la productivité et consigne ses observations dans une brochure intitulée Résultats d’expériences sur le travail des esclaves. Nommé par Schœlcher à la commission d’abolition de l’esclavage, il entame une carrière politique jusqu’à l’avènement de Napoléon III, auquel il refuse de prêter serment.
Thomas-Napoléon Suzanne, dit « Désisles », fils Brière de L’Isle (1806-1872)
Époux d’Élisabeth Perrinon, sœur de son ami François-Auguste, mais aussi imprimeur et éditeur, il dirige le Journal de Rouen (1828-1878) et le met au service des luttes pour la constitution et la chute des Bourbons. Son activité de presse lui confère une influence politique non négligeable entre Rouen, Paris et Saint-Pierre, au moment même où se joue l’abolition. Il y fait engager, après le coup d’État du 2 décembre 1851, l’avocat martiniquais Victor Cochinat qui se fait remarquer par ses articles sur la politique et la littérature. Cochinat sera le premier conservateur de la bibliothèque Schœlcher.
Les objets-preuves sont nombreux et incarnent par moment la violence des répressions de la société esclavagiste. Si l'on a évoqué les luttes et révoltes physiques entre les personnes mises en esclavage contre leurs maitres et les divers châtiments qu'ils risquaient allant jusqu'à la sentence à mort, on peut aussi parler du grand marronnage, la fuite des esclaves, qui leur valaient par la suite d'être enchaînés. On peut aussi parler d'une autre forme de résistance : les grèves de la faim. Beaucoup d'esclaves refusaient de s'alimenter ce qui explique la présence de ce genre d'objet, les écarteurs de bouche, qui permettaient aux planteurs de les contraindre à manger.
Speculum oris dit "ouvre-bouche",
18e siècle
Musée Le Secq des Tournelles, Rouen
RMM, inv L.S 5761
(c) RMM