Le duc de Choiseul-Meuse, commandant en second de la Martinique, son épouse et leurs deux enfants sont représentés dans leur riche intérieur. La nourrice à leur côté, vêtue de blanc et portant la haute bamboche antillaise, est une esclave domestique. Sa proximité lui assure une situation plus enviable que l’immense majorité des esclaves travaillant dans les plantations. Mais vivant au plus près des maîtres elle est aussi corvéable à merci et placée sous leur autorité absolue. Les exemples d’abus sont innombrables.
D’après Marius Pierre Le Masurier
La famille de Choiseul-Meuse
Vers 1773
Huile sur toile, 80x64 cm
Bordeaux, musée d’Aquitaine, ancienne collection Giscard d’Estaing, inv. 2012.5.1
Les œuvres de Brunias donnent toujours une image paradisiaque des colonies, très éloignée des réalités de l’esclavage. Le peintre représente ici des descendants de captifs africains qui ont fait souche sur l’île de Saint-Vincent, aux Petites Antilles, après des naufrages de navires négriers vers 1670. Nommés « Caraïbes noirs », ou « Black Caribs » par les Européens, ils ont résisté pendant plus d’un siècle à la colonisation, et ont adopté le mode de vie des premiers habitants de l’île, les « Caraïbes rouges ».
Agostino Brunias (1730-1796)
Les « Caraïbes noirs » de Saint-Vincent
Vers 1780
Huile sur toile, 52x45 cm
Bordeaux, musée d’Aquitaine, legs Chatillon, inv. 2003.4.2
La mise à l’honneur de produits coloniaux dans ce tableau, tels que ces deux tasses de chocolat chaud accompagnées de sucre, est l’expression du raffinement de consommateurs privilégiés. L’enfant afro-descendant qui présente les tasses est isolé à la droite de l’image ; il est clairement exclu de la conversation liée à la musique de ses « maîtresses ». Le rapport de domination envers le serviteur mis en esclavage est d’autant plus évident que celui-ci nous tourne le dos : n’ayant pas de visage, il n’a plus d’identité.
Attribué à RAOUX, Jean (1677-1734)
Le Goûter dans le parc Paris,
début du 18e siècle
Huile sur toile, 130 x 168 cm,
Rouen, musée des Beaux-Arts de Rouen – RMM, inv. 1950.9.1
© Réunion des Musées Métropolitains, Rouen Normandie.
Cliché Y. DESLANDES.
Ce tableau et son pendant appartiennent sans doute à une même série évoquant les quatre saisons ou les douze mois de l’année. L'abondance de fleurs semble l'associer au Printemps. La présence de jeunes personnes noires mises en esclavage dans des compositions décoratives est relativement fréquente au 17e siècle. Les personnes mises en esclavage en Europe étaient moins nombreux qu’en Amérique. Elles étaient cantonnés aux tâches domestiques ou à des petits rôles dans le monde du théâtre et des divertissements. Elles étaient relativement rares dans la Rome du 17e siècle et réservées aux personnes les plus fortunées. De nombreux tableaux rendent compte d’une certaine mode pour cet « autre exotique », très souvent dépeint comme un simple ornement esthétique. L'œuvre est probablement le fruit d'une collaboration entre Franz Werner Tamm, artiste allemand actif en Italie, spécialiste des natures mortes florales, et d'un anonyme italien pour les figures.
TAMM Franz Werner (Hambourg, 1658 – Vienne, 1724) (attribué à) et anonyme italien
Allégorie du Printemps
Rome, Quatrième quart 17e siècle
Huile sur toile
Musée d'arts de Nantes, Collection Cacault, achat, 1810, Inv. 383
© Alain Guillard, Musée d'arts de Nantes
Ce tableau, pendant du Printemps représenterait une allégorie de l’Automne (ou un mois automnal) comme sembleraient l’indiquer les fruits choisis et peut-être également la scène représentée sur le vase à l’Antique. Il pourrait en effet s’agir de l’Enlèvement de Proserpine par Pluton, qui serait à l'origine de la création des saisons de l’automne et de l’hiver. Cette composition décorative monumentale semble être de la main de deux peintres. La nature morte aurait été peinte par un artiste d’origine nordique, Christian Berentz, et les personnages par le peintre italien Giacinto Brandi. Mettant à contribution les différentes spécialités des artistes, les ateliers produisaient ainsi des œuvres plus abouties, dans un temps plus court.
Christian BERENTZ et Giacinto BRANDI (attribué à) Hambourg, 1658 – Rome, 1722 / Gaëte, 1621 – Rome, 1691 Allégorie de l’Automne
Rome, Quatrième quart 17e siècle
Huile sur toile
Musée d'arts de Nantes, Collection Cacault, achat, 1810, Inv. 384
© Alain Guillard, Musée d'arts de Nantes
Ce portrait énigmatique d’un jeune garçon, très réaliste, diffère considérablement des représentations classiques de l’époque où les jeunes garçons africains ou afro-descendants apparaissent comme les serviteurs de leur maitresse. Il pourrait s’agir d’un enfant mis en esclavage aux Antilles et provenant des anciennes possessions hollandaises du Brésil.
Anonyme
Portrait d’un jeune garçon
XVIIe ou XVIIIe siècle
Huile sur bois, 74x63 cm
Bordeaux, musée d’Aquitaine, legs Chatillon, inv. 2003.4.7
Ce document confirme la présence d'un certain nombre d'anciens esclaves dans la ville de Honfleur. Preuve de leur insertion fragile dans la société, ces derniers demeurent presque tous au service de leurs anciens maîtres.
État des individus noirs ou de couleurs des deux sexes existant dans l’arrondissement de la Justice de paix de Honfleur,
19 août 1807, encre sur papier, 25,5 X 38 cm,
Arch. mun. Honfleur, cote F173
Né en 1773 à Saint-Domingue, Eustache est un mis en esclavage travaillant dans une sucrerie près de Cap-Haïtien, propriété de M. Belin de Villeneuve, duc de Mouchy et membre du club de l’hôtel de Massiac, haut lieu des colons antiabolitionnistes. Encore jeune au temps des révoltes des années 1803-1804, l’histoire raconte (en l’occurrence le discours sur les prix de vertu de 1832) qu’Eustache, dit le « bon nègre », aurait à plusieurs reprises sauvé son maître. À tel point que son crâne est pris pour modèle par les phrénologues de l’époque, afin de localiser l’organe de l’attachement et de la bonté.
Tête phrénologique d'Eustache dit « Belin »
Paris, vers 1840 Plâtre, 33 x 16 x 19 cm
Rouen, musée Flaubert et d'Histoire de la médecine – RMM, inv. 997.3.238.G
(c) Frédérique Berson
La célèbre famille Likpo témoigne d’un passé lié aux rois du Danhomè (Dahomey, sud Bénin, 1600-1894). Ces derniers avaient demandé aux armuriers de Tanvé (centre Bénin) de copier des armes achetées aux Européens dans le cadre de la traite atlantique afin de réguler le trafic. Dans ce village resté secret et peu accessible encore aujourd’hui, les forgerons perpétuent fièrement l’art de leurs ancêtres. La production est aujourd’hui régulée par le droit béninois.
LO CALZO, Nicola (1979-)
Charles et Moise Likpo, armuriers,
Tanvé, Bénin, 2011
Tirage pigmentaire FineArt – papier Hahnemühle Baryta Collection particulière de l’artiste
(c) Nicola Lo Calzo
LO CALZO, Nicola (1979-)
Peinture murale de Jean Jacques Dessalines, premier empereur d'Haïti (1804-1806),
Ville de Dessalines, 2013.
Séries Ayiti, Nicola Lo Calzo.
(c) Nicola Lo Calzo
« [En marge] Baptême Charles Augustin, surnommé Taty. Le dit jour [dimanche 11 janvier 1767], Charles Augustin Surnommé Taty, nègre Congo, natif de Malembe, côte d’Angole, âgé d’environ dix-neuf ans, Nommé par le Sieur Charles Guillaume Desponds, et par Dame Marie Marguerite Thérèse Cornet son épouse a été baptisé par nous prestre docteur en théologie de la maison et société de la Sorbonne et curé de cette ville à ce deument authorisé par Monseigneur l’Archevesque et ont signé Desponds, Mahieu Curé, Cornet femme Despond »
Acte de baptême par Mahieu,
curé de Notre-Dame du Havre, le 11 janvier 1767,
de Charles Augustin, surnommé Taty, nègre Congo, natif de Malembe, côte d’Angole, âgé d’environ 19 ans, nommé par Charles Guillaume Despond et par son épouse Marie Marguerite Thé
Jacqueline Médée est amenée au Havre par ses propriétaires vers 1770. Elle aurait dû retourner en Guadeloupe comme en témoigne son passeport délivré en janvier 1794, mais l’abolition de l’esclavage le mois suivant a compromis le projet. Le testament de sa maîtresse lui garantit 400 livres de pension annuelle et l’affranchissement si elle retourne en Guadeloupe.
Laissez-passer au nom de Jacqueline Medée, femme de couleur originaire de la Guadeloupe, domiciliée au Havre Marat, établi pour son retour à la Gaudeloupe via les Etats Unis d'Amérique, 1794, Bib. mun. Le Havre, ms 867-22